Cela faisait exactement 150 ans que le couple Adriaen et Maria van Leyden ne s’était pas vu. Séparés par les aléas du marché de l’art, voici que le MNHA a retrouvé la trace du portrait de Maria van Leyden, après l’acquisition récente du portrait de son mari, Adriaen van Leyden, originellement attribué à Nicolas Neufchâtel.

En cherchant à acquérir pour nos collections un bon portrait par Nicolas Neufchâtel, peintre majeur de la Renaissance, notre conservateur en charge des Beaux-Arts, Ruud Priem, a trouvé une copie conservée au château de Zypendaal, près de Arnhem (Pays-Bas), qui lui fournira bien des éclaircissements sur l’origine véritable du portrait d’Adriaen van Leyden. Cette recherche lui a permis dans un premier temps de découvrir qu’au départ, le portrait sur panneau de Van Leyden avait été composé en corrélation avec celui de son épouse, Maria Gerritsdr van Leyden, née van Loo (1524/25-1562), et par le même peintre. Comme ces portraits étaient accompagnés d’un blason familial et de données sur la provenance – en effet, la documentation du château de Zypendaal mentionnait pour les deux tableaux : « Cette œuvre est une copie d’un tableau plus ancien .» –, l’exacte identification de notre récente acquisition a été rendue possible.

Ami personnel de l’empereur Charles Quint

Nous savons que la commande de copies peintes d’après des portraits originaux était d’antan un usage courant au sein des familles bourgeoises, désireuses de perpétuer une galerie de portraits (« Ahnengalerie ») à la mémoire de leurs aïeux. Le couple faisait partie d’une des familles les plus influentes du nord des Pays-Bas. Et Adriaen van Leyden (vers 1510/20-1562) avait un statut social important, notamment au niveau de la municipalité de Delft. Ami personnel de l’empereur Charles Quint qui en 1543 devient seigneur de toutes les provinces hollandaises, Adriaen est élevé au rang de baron du Saint Empire romain germanique le 4 avril 1548, par souci d’alliance stratégique.

Dès lors que notre conservateur avait toujours retrouvé la mention de Willem Key comme exécuteur des deux portraits originaux, il a pu définitivement attribuer à celui-ci la paternité du portrait d’Adriaen van Leyden, récemment acquis par le MNHA. La confusion à l’origine reposait sur le fait que les deux peintres, Key et Neufchâtel, ont été formés par le même maître à Anvers et que leur style est très proche. Avec la découverte de l’existence d’un corrélat féminin – le panneau de Maria van Leyden – , les recherches se sont affinées, conduisant notre conservateur à retrouver ce tableau dans une collection privée. Hélas !, comme pour le portrait du mari, seul le panneau central subsiste, les deux planches latérales ayant vraisemblablement été désolidarisées entre 1938 et les années 1968. Heureusement, la partie majeure demeure intacte et atteste de l’élégance du sujet féminin en tenue de cour espagnole.

Le propriétaire de ce panneau central a accepté de le prêter au MNHA, le temps d’une exposition temporaire toute symbolique puisqu’elle intervient juste à temps pour la Saint-Valentin: les visiteurs pourront aisément vérifier l’empreinte artistique commune aux deux tableaux : même composition, même palette de couleurs, même pose, mêmes habits distinctifs, bref deux tableaux d’une harmonie foudroyante… comme la flèche de Cupidon.