Après des décennies d'exposition dans les salles de notre musée, le moment est venu de s'occuper de la restauration du célèbre panorama « Les Arcades d'Athènes » (1806-1822) de Joseph Dufour, l'une des plus illustres manufactures de papier peint du XIXe siècle.

Problématiques

Le panorama, composé de dix panneaux au total, avait déjà fait l'objet d'une restauration importante au début des années 1990.

Malheureusement pendant ces dernières années, les quatre panneaux exposés au musée ont commencé à présenter des dommages structurels, en raison principalement du vieillissement naturel des matériaux constitutifs.

Ils souffrent actuellement de problèmes de tension superficielle, qui ont entraîné des déformations et des déchirures superficielles dangereuses pour leur stabilité.

Restauration

Les travaux de restauration seront effectués sur l’ensemble du panorama (10 panneaux au total) et dureront environ deux ans.

Ce temps sera nécessaire pour rétablir la stabilité physique et structurelle de l’œuvre, tout en respectant son historicité matérielle.

Transports

Les travaux ont commencé le 10 novembre 2023. Deux des dix panneaux ont déjà rejoint nos ateliers de restauration du musée.

L’analyse technique et photographique

Avant chaque restauration, une étape fondamentale de notre travail est l’analyse visuelle de l’œuvre.

Grâce à l’examen technique, nous pouvons déterminer les caractéristiques physiques et la présence de certains composants ou conditions qui peuvent nous aider à évaluer les traitements de conservation à effectuer ou en cours de travail.

L’examen photographique et technique peut être un outil précieux pour l’étude et le traitement de conservation des œuvres d’art sur papier, car il s’agit d’une méthodologie non destructive utilisant une variété de sources et de techniques d’éclairage.

Photographie UV

Elle nous donne des informations sur le support, les médias et les pigments. Elle nous permet d’identifier des zones retouchées sans ou avec la présence de vernis, mais aussi la présence d’altérations biologiques (foxing et moisissures).

Photographie IR

Elle détecte des informations visuellement incohérentes ou des parties invisibles, des sous-peintures, des sous-dessins, des inscriptions obscurcies ou non lisibles.

Analyse au microscope et prélèvements

À travers le microscope binoculaire nous pouvons analyser l’œuvre d’un point de vue stratigraphique.

L’analyse stratigraphique

Une autre étape de notre recherche avant la restauration, consistait à recueillir des informations sur la composition des pigments utilisés dans la fabrication de papier peint et sur la technique de production. Nous avons donc effectué une analyse stratigraphique à travers des petits prélèvements d’échantillons.

Objectif

L’identification des pigments peut nous aider à évaluer la meilleure méthode de traitement à suivre, notamment en raison du fait que certaines couleurs utilisées dans le passé peuvent s’avérer toxiques pour la santé de l’opérateur. Tel est le cas par exemple du vert de Scheele, une couleur très toxique introduite dans le commerce vers la fin du XVIIIe-début XIXe siècle, dont l’utilisation allait de la production de papier peint aux cosmétiques, jouets, vêtements etc.

Précautions

Comme le verte de Scheele peut libérer des vapeurs toxiques en entrant en contact avec l’humidité (ce qui peut se produire en cas d’une restauration par voie humide), une série d’analyses visant à son identification et des protocoles sanitaires ont été mis en place pour éviter tout risque sanitaire éventuel : équipement de protection individuelle (gants de protection, masque FFP2, lunettes, combinaison en Tyvek), hottes aspirantes et bonne ventilation de l’espace de travail.

Le prélèvement

L’analyse stratigraphique nécessitant d’échantillons, afin d’éviter tout endommagement de l’œuvre, il est très important que les prélèvements soient :

  • de taille très petite (échantillon de la taille d’une tête d’épingle)
  • effectués dans des zones cachées et en correspondance des fissures ou des fractures dans la couche picturale

Notre but principal étant d’identifier la présence possible de vert de Scheele, les prélèvements pour l’analyse stratigraphique ont été effectuées principalement en correspondance des zones bleues et vertes : le ciel (qui avait été très retouché lors des anciennes restaurations), le feuillage et les vêtements.

La préparation des coupes stratigraphiques

Les échantillons ont été prélevés avec un scalpel et, à l’aide d’une résine époxydique, inclus entre deux cubes en plexiglas. Pour pouvoir analyser la couleur, l’aspect et la succession des couches présentes dans la tranche de l’échantillon, il a été nécessaire de polir transversalement le plexiglas, afin d’obtenir une surface lisse. Les coupes ainsi préparées ont été examinées au microscope optique.

Au début, les échantillons prélevés étant trop petits et fragmentaires, l’identification des couches n’a pas été très facile. Pour une lecture plus claire, il nous a fallu découper un petit morceau de papier peint sur le bord d’une chute.

Le résultat

  • Couche bleu pâle uniformément colorée, avec quelques graines bleu froid
  • Couche très fine bleu verdâtre uniformément colorée
  • Épaisse couche transparente (vernis de restauration ou encollage)
  • Couche blanche avec fins graines bleues rondes (1er surpeint)
  • Fine couche transparente foncé (vernis de restauration ou encollage du 1er surpeint)
  • Couche bleu turquoise pâle uniformément colorée, avec quelques zones plus blanches (couleur de fond originale)
  • Très fine couche transparente (isolation/encollage)
  • Couche ocrée fibreuse (support papier)
  • Épaisse couche transparente jaunâtre (colle)
  • Couche bleu turquoise pâle uniformément colorée (bleu originale de la superposition de lés)

Pour le moment la présence de pigment vert n’a pas encore été détecté.

Pour être sûr de ce résultat il faudra encore effectuer d’autres analyses non-destructives dont nous vous donnerons plus de détails dans la prochaine mise à jour, alors… suivez-nous !