Les représentations paysagères ont une longue et riche tradition dans l’histoire de l’art. Avec le Land art, au début des années 1970, celles-ci ont radicalement changé de paradigme. En dépassant le sujet pour devenir support, le paysage en tant que représentation s’est ouvert aussi à l’expérience esthétique et à l’expérimentation artistique.
Aujourd’hui, la jeune photographie européenne approfondit cette prise de conscience du rapport de plus en plus déséquilibré entre l’homme et la nature à travers de nouvelles visions contemporaines de l’image analogique et numérique.
Rethinking Landscape (Repenser le paysage) propose cinq postures d’artistes portant un nouveau regard photographique sur les représentations du paysage et montrant de nouvelles approches esthétiques très variées entre fiction, sublimation et distanciation.
Chez Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, artistes franco-italiens
vivant au Luxembourg, la recherche artistique autour de l’acte
photographique et l’iconographie paysagère se double d’une confrontation
historico-politique de l’image. Les oeuvres d’Inka & Niclas,
artistes scandinaves (finlandais et suédois) établis à Stockholm,
s’inscrivent davantage dans une parodie des représentations romantiques
du paysage que dans un questionnement politique. Ils jouent sur le
rapport entre l’homme et la nature dans un contexte paradoxal de
sublimation et de distanciation du réel.
Paul di Felice, co-commissaire«Les artistes participent à l’éveil des consciences écologiques à travers des partis pris esthétiques singuliers.»
Chez l’artiste suisse Douglas
Mandry, le paysage plutôt que d’être une représentation telle quelle,
devient une reconstruction, une composition en strates proche d’une
démarche archéologique et plasticienne à partir d’un corpus d’images
coloriées et réassemblées. L’idée du paysage qui émane de la série en
noir et blanc Cercle, Square de Daniel Reuter, artiste luxembourgeois
vivant en Islande, est marquée par une démarche conceptuelle. Comme des
réminiscences visuelles de certaines installations d’artistes du Land
Art, ces photographies semblent se détacher de leur sujet initial pour
mettre en jeu un langage visuel formaliste.
Les photographies de la série Motherland du photographe russe Danila Tkachenko traitent la question de l’abandon forcé des villages pendant la collectivisation de l’ère communiste entre 1928 et 1937. En brûlant les vestiges symboliques qui hantent ces paysages au fin fond des steppes soviétiques, l’artiste crée une espèce de rituel funéraire nocturne.
Sans livrer de véritables réponses aux questions environnementales, les artistes contemporains participent néanmoins à l’éveil des consciences écologiques à travers des partis pris esthétiques singuliers.
Paul di Felice, co-commissaire
Rethinking Landscape – EMOP 2021
Artistes : Bruno Baltzer/Leonora Bisagno (Luxbg.), Inka & Niclas
(Fin/Suède), Douglas Mandry (Suisse), Daniel Reuter
(Luxembourg/Islande), Danila Tkachenko (Russie)
Commissaires : Paul di Felice (pour Café-Crème asbl), Ruud Priem (pour MNHA)