L’une des forces de la collection d’art international du MNHA est l’ensemble des peintures de Supports/Surfaces, un mouvement artistique qui a contribué entre 1966 et 1972 à façonner l’art français contemporain, tant en peinture qu’en sculpture.
Le MNHA possède l’une des plus importantes collections publiques de Supports/Surfaces d'Europe. Elle a été soigneusement constituée au fil des ans et est toujours consolidée par des dons et des achats. Notre exposition présente d’importantes acquisitions effectuées ces dernières années, en mettant l’accent sur les oeuvres de deux membres fondateurs du mouvement Supports/Surfaces: Patrick Saytour (né en 1935) et Claude Viallat (né en 1936).
Supports/Surfaces est né dans le sud de la France, où la plupart des membres fondateurs du mouvement ont vécu et travaillé dans des villes comme Montpellier, Nîmes et Nice. Viallat et Saytour, nés chacun dans une de ces deux dernières villes, faisaient partie d’un groupe de douze artistes, notamment avec Vincent Bioulès, Louis Cane, Daniel Dezeuze, Jean-Pierre Pincemin et Bernard Pagès, et bien d’autres encore étroitement liés au mouvement. Dès le début, leur travail a été marqué par un intérêt pour la matérialité, un usage lyrique de la couleur et une conception très large de ce qui constitue un tableau.
Démystifier la forme tout en proposant de nouvelles voies à explorer
Le nom du groupe fait référence à leur tentative de réduire la peinture à ses composantes les plus élémentaires. La surface fait allusion à la toile d’un tableau, tandis que le support fait référence au châssis qui donne à un tableau sa structure propre. En mettant à nu les conventions et les processus de la peinture, ils espéraient démystifier la forme tout en proposant de nouvelles voies à explorer. Les artistes du groupe ont également remis en question le marché de l’art, ainsi que certaines règles concernant la datation et la signature des oeuvres. Ils voulaient revenir à une sorte de pratique artistique minimaliste et essentielle.
Le collectif, peu structuré, déconstruit l’objectivité fondamentale de la peinture à une époque où l’autonomie de l’art est remise en cause partout dans le monde. Dans les années 1960, la culture française traverse en peu de temps de profonds chamboulements. Depuis, Viallat et Saytour ont continué à explorer une méthode de travail qui rejette la peinture traditionnelle, sans tout jeter par-dessus bord. Ils sont parvenus à conserver certaines parties de la forme tout en supprimant simultanément des éléments de la peinture. Ce rejet philosophique qui va de pair avec la préservation partielle de la peinture leur ont permis de trouver une nouvelle vitalité dans la flexibilité infinie de la forme.
Les matériaux utilisés étaient et sont toujours choisis parmi les plus vulgaires ou les plus «kitsch»
Au sein du groupe Supports/Surfaces, Patrick Saytour (*1935) a toujours occupé, délibérément, une position marginale, critique, voire ironique. Son travail peut se définir comme une entreprise de déconstruction de la forme, de la couleur, du format, du cadre de présentation, pour reprendre les termes mêmes de l’une de ses déclarations. Il se concentrait ensuite entièrement sur une sorte d’art qui questionne la pratique artistique elle-même, en utilisant des formes simples et des techniques simples: pliages et dépliages systématiques, brûlages, trempages, solarisations, etc. Les matériaux utilisés étaient et sont toujours choisis parmi les plus vulgaires ou les plus «kitsch»: tissus et fourrures synthétiques, disponibles en abondance sur les marchés que fréquentent les travailleurs immigrés.
Claude Viallat«Dezeuze peignait des châssis sans toile, moi je peignais des toiles sans châssis et Saytour l’image du châssis sur la toile»
Claude Viallat (*1936) s’attache aux éléments primaires et structuraux de la peinture, soit la toile, la couleur et la surface. Dès 1966, il travaille sur la couleur, celle-ci étant à la fois sujet et objet. Le châssis disparaît. La toile libre est peinte et sur ce fond de couleur, Viallat place des empreintes au pochoir, de manière répétitive et sérielle. «Dezeuze peignait des châssis sans toile, moi je peignais des toiles sans châssis et Saytour l’image du châssis sur la toile», commentera l’artiste quelques années plus tard. Viallat est l’un des fondateurs et l’un des douze membres actifs du mouvement Supports/Surfaces. La plupart des oeuvres ici présentées montre que pour lui, la couleur est élémentaire pour souligner les formes répétées qui confèrent à son art des dimensions et un rythme cohérents, tout à fait caractéristiques du mouvement Supports/Surfaces.