Depuis juillet 2024, le musée présente l’exceptionnel Three Studies for Portrait of George Dyer (1963), oeuvre du peintre britannique Francis Bacon (1909- 1992). 

Ce prêt pour deux ans de la place boursière Artex nous offre l’opportunité de mettre en lumière la vision sacralisée de l’humain souvent dépeinte par l’artiste. Cette notion complexe et ambiguë chez Bacon ne se présente pas de façon explicitement religieuse. Il explore des thèmes tels que la souffrance, l’éphémère de l’existence et la confrontation avec la mort, qui peuvent évoquer une forme de sacré ou de transcendance ancrée dans l’expérience humaine. 

Extase entre sacré et profane

Sa peinture, souvent caractérisée par une violence crue et une intensité émotionnelle, semble capturer une réalité existentielle et spirituelle, où le sacré émerge à travers la représentation brutale de la condition humaine. Les figures déformées de ses oeuvres, qu’elles soient portraits ou corps en souffrance, rappelant des images de crucifixion ou d’extase mystique, soulignent une quête d’authenticité dans l’expression des émotions humaines plurielles. Bien que Francis Bacon, athée virulent, ait souvent rejeté toute forme de religion traditionnelle, ses oeuvres mettent l’accent sur des thèmes spirituels, notamment dans leur exploration de la fragilité, de l’angoisse et de l’isolement, qui prennent une dimension quasi sacrée. Il est indéniable que Bacon est un peintre de la contradiction, entre sacré et profane, entre maîtrise et chaos, entre discipline et excès. Son oeuvre, marquée par la violence, le mystère et l’instinct, continue d’interroger et de fasciner. 

Francis Bacon, Figure with Meat, 1954, huile sur toile, 129 x 122cm, The Art Institute of Chicago, Chicago, IL. Harriot A. Fox Fund. 1956. © La succession de Francis Bacon, tous droits réservés, DACS/Artimage. Photo: Prudence Cuming Associates Ltd

Francis Bacon, Figure with Meat, 1954, huile sur toile, 129 x 122cm, The Art Institute of Chicago, Chicago, IL. Harriot A. Fox Fund. 1956. © La succession de Francis Bacon, tous droits réservés, DACS/Artimage. Photo: Prudence Cuming Associates Ltd

Francis Bacon, Fury, c. 1944, huile et pastel sur panneau de fibres, 94 x 74 cm, Private Collection. © La succession de Francis Bacon, tous droits réservés, DACS/Artimage. Photo: Prudence Cuming Associates Ltd

Francis Bacon, Fury, c. 1944, huile et pastel sur panneau de fibres, 94 x 74 cm, Private Collection. © La succession de Francis Bacon, tous droits réservés, DACS/Artimage. Photo: Prudence Cuming Associates Ltd

Crucifixion, un autoportrait symbolique 

Les prochaines visites thématiques envisagées sous cet angle ont pour but d’apporter un éclairage sur certaines obsessions de l’artiste relevant du sacré tout en abordant des thèmes touchant à la vanité et à l’impermanence des choses et des êtres, comme celui de la Crucifixion que Francis Bacon a exploré dès 1933. Si le sujet est sacré, l’artiste se l’est approprié de manière profane pour en faire une forme d’autoportrait symbolique. En effet, fustigé à l’adolescence par son père en raison de son homosexualité et de ses ambitions artistiques, en rupture familiale et au ban de la société, Francis Bacon fait de l’image de la crucifixion, l’expression de la souffrance humaine et de sa propre angoisse existentielle. Il réalisera par la suite six autres Crucifixion, la dernière datée de 1965. 

L’autre figure à connotation religieuse que Bacon a moult fois peinte est celle du Pape Innocent X par Vélasquez. En 1954, il réalise Figure with meat où l’image du pontife devient cauchemardesque. La silhouette floue du personnage apparaît prisonnière d’une cage de verre, la bouche est béante dans un cri silencieux. Les nobles draperies baroques de Vélasquez sont ici remplacées par deux flancs de boeuf. Encadré par cette carcasse, le pape devient une sorte de boucher ou bien une victime sacrificielle, entre bestialité et effroi. C’est toute l’angoisse de l’humanité après les horreurs de la seconde guerre mondiale que Bacon veut ici évoquer. 

D’autres oeuvres puissantes et nihilistes seront également mises en lumière dans notre approche thématique comme par exemple Fury de 1944. Là, l’artiste emprunte à Eschyle la figure des Euménides, créatures mythologiques chargées de punir sans relâche les crimes contre la société humaine et les injustices familiales. Bacon affirmait : « Ma peinture est le reflet de ma vie ». Ainsi, dans ses oeuvres, il avance main dans la main avec l’humanité entière vers l’inéluctable. 

Texte: Nathalie Becker / Images: © La succession de Francis Bacon, tous droits réservés, DACS/Artimage. Photo: Prudence Cuming Associates Ltd

Source: MuseoMag N° II - 2025

Ne manquez pas cet éclairage thématique proposé en français les 24/04 et 27/11 à 18h.