Dans le cadre de l’exposition De Bundeskontingent & Cie (vernissage le 4 décembre 2024), le Musée Dräi Eechelen accorde une place de choix à une figure majeure, Louis-Alphonse Munchen (1819-1883), à travers l’une de ses représentations picturales réalisée par Jean-Auguste Marc (1818-1886) en 1844. Munchen porte l’uniforme du Contingent fédéral luxembourgeois dont il fait partie depuis sa création en 1841. Ce tableau est la seule image d’époque du premier uniforme du Contingent luxembourgeois avant sa réorganisation en 1847.

Comme les représentations de cette troupe seront réalisées après plus de cinquante ans par les férus d’uniforme Louis Kuschmann (1852-1921) et Richard Knötel (1857-1914), ce tableau, et particulièrement les couleurs du shako, du manteau et du pantalon portés par Louis-Alphonse Munchen, sont d’autant plus précieux.

Ainsi, durant la période de préparation de l’exposition, cette pièce phare a fait l’objet d’un examen attentif de la part des conservateurs et de la restauratrice spécialisée. Cependant, lors de cette visite, ils ont constaté que le mauvais état de conservation de l’oeuvre ne permettait malheureusement pas la bonne compréhension du vêtement portant un message iconographique clé.

Ici, la moitié de la peinture est dévernie, ce qui permet de visualiser le changement de couleur engendré notamment au niveau des plumes.

Un filtre sépia

Effectivement, l’aspect très jauni de la peinture, à la façon d’un filtre sépia que l’on additionne sur les photos de son téléphone, dénotait particulièrement. Ce phénomène est familier aux visiteurs de musée ou amateurs d’antiquités et se traduit par des couleurs ternies et des tons blancs prenant une teinte jaunâtre.

Il est légitime de s’interroger sur l’origine de cette décoloration – une question souvent soulevée lors de rencontres avec des restaurateurs – et d’aborder ensemble le traitement de dévernissage, l’un des traitements de restauration les plus courants et les plus impressionnants visuellement.

La science derrière la pratique

Les peintres qui appliquent des vernis sur leurs oeuvres le font notamment pour des raisons esthétiques. Effectivement, un beau vernis transparent apporte de la profondeur aux tons foncés et accentue ainsi l’effet de perspective. Il remplit également d’autres fonctions telles que celle de protection contre l’encrassement, les radiations de la lumière, etc. Lorsque les vernis sont altérés à cause de phénomènes d’oxydation (en réaction avec l’air), ils perdent leur transparence, leur brillance et jaunissent. Ainsi, au fil du temps, il a parfois été décidé d’appliquer une nouvelle couche de vernis sur l’ensemble pour re-saturer l’oeuvre. Cela crée une accumulation de vernis et est souvent observé sur les oeuvres anciennes. Dans notre cas, au moins trois couches de vernis semblent recouvrir la peinture et altérer notre perception.

Dévernir n'est pas sans péril

Suite à ces observations, la décision peut être prise de dévernir l’œuvre, c’est-à-dire, d’éliminer une ou plusieurs couches de vernis qui présentent des altérations et qui ne remplissent plus leurs fonctions esthétiques et de protection.

Cette opération n’est cependant pas sans risques, la difficulté réside dans le fait d’éliminer les couches de vernis sans endommager les couches originales sous-jacentes. Une compréhension accrue de la composition chimique des vernis et de celles des couches picturales est indispensable sans quoi des dommages irréversibles sont entraînés sur l’oeuvre. Lors du traitement, ce même bagage théorique est indispensable et guide les restaurateurs dans leurs choix. Ceux-ci adaptent les méthodes et les matériaux en fonction des spécificités de chaque cas, tirant parti des avancées scientifiques. Ils disposent ainsi d’un large panel de moyens qui évoluent au fil du temps. Le processus de dévernissage est donc complexe et mêle à la fois les avancées scientifiques, des connaissances théoriques pointues et une grande habilité technique.

Un homme verni

Le dévernissage de cette peinture a été réalisé à l’aide d’un mélange de solvants adaptés et de papier synthétique permettant de ralentir l’évaporation et de jouer un rôle d’absorption. Les solvants sont sélectionnés en suivant une méthodologie rigoureuse basée sur des tests préliminaires.

Après dévernissage, les tons sont révélés, les blancs sont redevenus blancs tandis que les nuances vert foncé du manteau et bleu clair du pantalon sont réapparues. Enfin, l’oeuvre a été revernie à l’aide de résines synthétiques spécialement étudiées pour leur stabilité et leur réversibilité dans le temps. Notre lecture de l’oeuvre est désormais plus fidèle à l’intention de l’artiste et nous permet une meilleure compréhension iconographique de l’oeuvre.

Auteur: Laura Guilluy - Images: Éric Chenal

Source: MuseoMag N°III 2024