Dans l’imaginaire collectif, la restauration d’oeuvres d’art est souvent associée à la figure du restaurateur de peintures, de bâtiments historiques ou, bien que moins souvent, d’œuvres sur papier.

La restauration de la photographie, en raison du jeune âge de ce médium né en 1839, est souvent considérée comme un sujet abstrait et difficile à comprendre, aujourd’hui plus encore où la plupart des photos sont prises avec des téléphones portables et ne restent que des images virtuelles. D’où l’interprétation erronée selon laquelle la restauration photographique ne peut être effectuée qu’à l’ordinateur, alors que, dans le cadre du musée, il s’agit d’une véritable restauration conservative de l’objet, comme dans le cas de la restauration picturale.

Heureusement, grâce à une sensibilité accrue accordée à ce matériau, vers la fin des années 1970 début 1980, on commence à comprendre l’importance de sa conservation à travers le développement de techniques de conservation et de recherche ayant comme référence la théorie moderne de la restauration (respect de l’original, réversibilité des traitements, intervention minimale, documentation).


Mais qu'est-ce qu'une photographie?

Fondamentalement, la photographie est une image produite par l’utilisation de matériaux photosensibles d’origine chimique différente, qui peuvent être des métaux (comme le platine ou l’argent) ou des colorants (pigments, teintures), appliqués sur différents supports (métal, céramique, verre, tissu, etc.). Cependant, le support le plus courant est le papier, sur lequel sont déposées différentes couches de matériaux qui donnent ensuite naissance à l’image photographique.

Au départ, la photographie était en noir et blanc et les différentes couleurs pouvaient être obtenues grâce à l’utilisation de pigments ou de virages. Ce n’est qu’à partir du XXe siècle, et surtout après les années 1950, que la photographie couleur moderne a été inventée et devient très populaire.

Outre les procédés photographiques traditionnels, il existe d’autres techniques de reproduction d’images. Il s’agit par exemple des tirages photomécaniques et, aujourd’hui, des tirages numériques. Le résultat final de l’impression est très similaire à celui obtenu avec les méthodes de développement classiques, mais le processus et les matériaux utilisés pour y parvenir sont complètement différents.

Les procédés photomécaniques sont un mélange entre le processus d’illustration et la photographie. L’image, quant à elle, est constituée de zones d’impression avec ou sans encre. Les technologies d’impression numérique, de leur côté, ne sont pas basées sur des produits chimiques sensibles à la lumière, mais sur des signaux électroniques. Comme les procédés photomécaniques, les technologies numériques décomposent l’image en zones avec ou sans encre, colorants ou pigments.

La restauration dans la pratique

Le champ d’action du restaurateur de photographies est aussi vaste que les matériaux dont la photographie est faite et dans lesquels elle est englobée. Les supports à l’émulsion peuvent être les plus variés (cuivre argenté, fer, verre, papier, plastique, bois, céramique, tissu, cuir). Il faut ensuite considérer les systèmes de montage ou d’assemblage qui à leur tour impliquent une myriade de matériaux (cadres, passe-partout, étuis, albums, etc.). Avant de procéder à toute opération de restauration, on comprend qu’il est donc fondamental d’analyser la photographie dans tous ses composants.

L’identification recouvre une importance primordiale pour comprendre la meilleure méthode de conservation, d’exposition et, le cas échéant, de restauration. Cependant, en raison de la multitude de procédés existants (photographiques et non), leur identification peut parfois s’avérer complexe et compliquée. C’est à ce stade que le travail du restaurateur des matériaux photographiques prend une importance fondamentale au sein du musée pour permettre de conserver ses collections de la meilleure façon et le plus longtemps possible.

Comme la photographie, le restaurateur de ce matériel doit être lui aussi une figure polyvalente à laquelle soit les conservateurs soit les archivistes doivent constamment s’adresser, pas seulement lors d’une intervention à exécuter mais, surtout, pour analyser et suivre l’objet photographique dans toutes les phases d’intervention:

Identification: la photographie est soigneusement examinée pour identifier le procédé et les matériaux de fabrication, les zones endommagées et déterminer les techniques de restauration nécessaires pour garantir la conservation historique.

Restauration: les traitements les plus souvent effectués sont ceux qui visent à préserver la stabilité et à éliminer tous les éléments qui peuvent endommager et altérer chimiquement et physiquement l’objet (le dépoussiérage, le nettoyage, la réparation de déchirures, la consolidation du support et de l’émulsion photographique).

Conditionnement: les photographies doivent être conservées et entreposées dans des enveloppes, des chemises et des boîtes de qualité archivistique en papier ou en matériel plastique inerte et sans acide, à l’abri de la lumière, de l’humidité et des fluctuations de température qui peuvent causer une dégradation.

Contrôles environnementaux: le maintien de conditions environnementales stables, y compris les niveaux de température et d’humidité, est essentiel pour prévenir la détérioration causée par la croissance de moisissures, la décoloration ou la fragilité.

Conservation et exposition

Une attention particulière doit être accordée à la conservation et à l’exposition des collections photographiques. L’utilisation de salles de stockage et des matériaux de conditionnement inadéquats peut en fait entraîner la perte irrémédiable des collections. C’est pourquoi au musée, dans les limites des fonds et de l’espace disponibles, nous prenons à coeur l’établissement de priorités et d’évaluation des méthodes de conservation les plus appropriées, en fonction de la nature de l’objet et de sa sensibilité.

En général, tous les matériaux de conditionnement ainsi que le mobilier destiné à la conservation de nos collections sont choisis sur la base de normes internationales qui déterminent et garantissent leur adéquation (par exemple mobilier an aluminium anodisé, pochettes en polyéthylène, boîtes en carton sans acide, etc.).

Le comportement à long terme d’une estampe ne pouvant être prédit avec certitude, le restaurateur de photographie ainsi que les gestionnaires des collections planifient un suivi périodique de l’état de conservation des objets les plus sensibles, tels quel les procédés à base de colorants. En outre, l’équipe de conservation et de restauration analyse les données sur les conditions d’exposition (température, humidité, lumière et, si possible, polluants atmosphériques) dans le musée afin d’identifier les problèmes potentiels avant qu’ils ne causent des dommages.

C’est pourquoi il est parfois nécessaire d’éviter ou de suspendre l’exposition de certains documents photographiques, pour garantir leur préservation à long terme, surtout quand ils se trouvent déjà dans un mauvais état de conservation ou commencent à présenter des signes d’altération.

Une vigie continue

Qui dit collections muséales, dit la préservation impérative et dans les meilleures conditions possibles, qu’il s’agisse de documents d’archives ou de véritables oeuvres d’art photographiques.

Notre collection photographique (dont la plus importante est certainement représentée par les photographies d’Edward Steichen) ne cesse de s’enrichir de photographies (en couleur ou en noir et blanc, ou encore de fonds de négatifs sur plaque de verre et sur support souple). Celles-ci ont constamment besoin d’être soignées et conservées de la meilleure façon possible, afin qu’elles puissent être exposées au public dans le respect de leur valeur historique et artistique. La formation continue, la recherche, l’application de techniques de restauration nouvelles, sont en ce sens à valoriser.

Un des projets d’analyse et de préservation de nos collections prévoit par exemple l’utilisation dans le futur d’un spectrophotomètre ou d’un densitomètre, capables de surveiller le vieillissement au niveau de la couche image, ce qui est particulièrement utile lorsque des épreuves sont prêtées à d’autres établissements. Des rapports complets sur l’état de conservation constituent en effet la seule façon certaine de déterminer si l’image a été altérée, ou pas.

Texte: Francesca Vantellini - Photos: Éric Chenal

Source: MuseoMag N°II 2024