À l’heure du sprint final de la campagne de levée de fonds #eisechampion, voici un petit ex-cursus sur l’un des éléments centraux de l’œuvre du Champion par Joseph Kutter: la médaille. Car que serait un champion sans sa médaille? Ce petit cercle d’or, accroché à un ruban tricolore (bleu, blanc, rouge) et fièrement arboré par le coureur cycliste Nicolas Frantz, attire tous les regards. D’une part, cet insigne occupe une position centrale sur ce tableau et d’autre part, la symbolique à laquelle il renvoie l’associe directement à la notion de victoire non seulement sportive, mais aussi nationale, voire patriotique.
Pas de médaille lors de la Grand Boucle
À vrai dire, la pratique des remises de médailles lors des compétitions sportives est relativement récente. Auparavant, la plupart de souvenirs métalliques des compétitions étaient donnés aux organisateurs de ces événements sportifs. C’est lors des Jeux Olympiques de Saint-Louis aux États-Unis en 1904 que les premières médailles feront leur apparition afin de récompenser les vainqueurs. Au Luxembourg, le cyclisme est, après la gymnastique et l’escrime, le deuxième en date des sports organisés. À partir des années 1880, plusieurs clubs et associations sont créés et plusieurs pistes, dont le vélodrome de la ville de Luxembourg, seront construits.
Frantz célébré à Paris
Nicolas Frantz, qui remporta de manière continue le championnat national
du Luxembourg entre 1923 et 1933, a reçu de nombreuses breloques,
coupes, trophées et diplômes en souvenir de ses victoires. Certains de
ces objets sont toujours conservés et un «choix de médailles gagnées par
l’éminent coureur cycliste luxembourgeois» avait été publié par
Raymond Weiller en 1979 dans son ouvrage Les médailles dans l’histoire
du pays de Luxembourg. On y retrouve les médailles de la Fédération du
Sport Cycliste Luxembourgeois, mais aussi le souvenir d’un des premiers
exploits de Frantz sur la Grande Boucle lorsqu’il franchit en tête le
col alpin de l’Izoard, lors de sa première participation en 1924. Ces
souvenirs ne doivent pas nous faire oublier qu’on ne décerne pas de
médailles au Tour de France. Si les fleurs – également représentées sur
l’œuvre de Kutter – sont nombreuses sur les photographies qui
rappellent les victoires des champions, aucune médaille n’a jamais été
associée à cette épreuve reine du cyclisme.
Une fête en l'honneur du coureur
Ce qui n’empêcha pas la remise de distinctions honorifiques au coureur luxembourgeois, notamment lorsqu’il remporta son premier Tour de France, le 17 juillet 1927. Ainsi, comme le rapporte le journal L’Indépendance luxembourgeoise du 8 août 1927, une fête célébra le vainqueur, ainsi qu’un autre coureur luxembourgeois, Charles Krier, à la «Mission France-Luxembourg», 214 rue La Fayette, lors de laquelle les sportifs reçurent les félicitations de Paul Mersch, consul du Luxembourg à Paris, et d’Alphonse Steinès. Ce dernier, né à Ahn en 1893, était non seulement journaliste à l’Auto, et ainsi un proche collaborateur d’Henri Desgrange, le fondateur du Tour, mais aussi le président de l’association de secours mutuels «La Luxembourgeoise» qui rassemblait une grande partie de la communauté luxembourgeoise parisienne.
Une initiative d'Alphonse Steinès
C’est Steinès, selon le journal, «qui épingla sur la poitrine de notre Frantz national, la médaille d’argent de l’Encouragement au Mérite, que le Gouvernement français a bien voulu lui décerner». Cette médaille est vraisemblablement celle de la Société Nationale d’Encouragement au Bien, une organisation de bienfaisance qui entretenait des contacts réguliers avec «La Luxembourgeoise». Le Cabinet des Médailles conserve un exemplaire en bronze doré de cette distinction qui fut remise, non pas à un sportif, mais aux rosiéristes Gemen & Bourg. Cette décoration française n’est donc pas celle qui est représentée sur la toile de Kutter. Néanmoins, en illustrant une médaille stylisée et son ruban national, l’artiste a clairement voulu ancrer son Champion dans la victoire, car ces récompenses futiles, peut-être ridicules, demeurent, encore aujourd’hui, incontournables.
Texte: Cécile Arnould - Images: MNAHA/Éric Chenal
Source: MuseoMag N°IV 2023