Le musée s’est depuis peu doté de moyens redoutables pour le combat écologique des nuisibles: focus sur un procédé à air chaud sous humidité contrôlée.

Les objets patrimoniaux meubles en matière organique sont régulièrement soumis à une dégradation biologique sous l’effet notamment d’insectes qui s’en nourrissent. Une des méthodes modernes de combat constitue à augmenter la température pour altérer les protéines qui constituent tout être vivant. Cette dénaturation irréversible survient entre 42 et 52 °C, et rejoint la transformation qui s’opère comme lorsqu’on fait cuire un oeuf. L’analogie alimentaire a valu à notre appareil de choc le surnom affectif de machine à popcorn. Le procédé est efficace à 100% pour tous les stades d’évolution des insectes : oeufs, larves ou nymphes ainsi qu’adultes. Ces températures n’ont pas d’impact sur la majorité des objets patrimoniaux à condition que l’humidité relative soit contrôlée. Il y a bien sûr quelques exceptions comme les cires qui risquent de fondre ou les parchemins dont le collagène est dénaturé à la même température.

Traditionnellement, c’est la chimie qui vient à la rescousse pour lutter contre les bestioles. Mais pour éviter que des éléments toxiques ne pénètrent les oeuvres qu’elles finissent par libérer dans l’environnement, contaminant ainsi l’atmosphère, le musée innove avec un procédé écologique.

Traditionnellement, c’est la chimie qui vient à la rescousse pour lutter contre les bestioles. Mais pour éviter que des éléments toxiques ne pénètrent les oeuvres qu’elles finissent par libérer dans l’environnement, contaminant ainsi l’atmosphère, le musée innove avec un procédé écologique.

Vous avez dit humidité relative ?

En conservation préventive, l’humidité relative est un terme faisant frissonner les plus téméraires des restaurateurs quand il s’agit de stabiliser des oeuvres en matières organiques hygroscopiques. Comme pour la rupture de la chaîne du froid dans l’alimentaire, le non-respect du degré hygrométrique en toute circonstance est mortel pour les oeuvres. Pour rappel, l’humidité relative est le rapport entre le contenu en vapeur d’eau de l’air et sa capacité maximale à en contenir dans des conditions données. L’air chaud pouvant absorber plus d’eau que l’air froid, il y a fluctuation de l’humidité relative pour un volume fermé qui est soumis à des variations de température. Les objets hygroscopiques tels que le bois ou le papier p.ex. vont interagir avec leur milieu en relâchant ou absorbant de l’humidité en fonction du degré hygrométrique de leur environnement. Cela va produire des changements de dimensions, des déformations, des pertes de couche picturale, un développement de moisissures etc.

Dans le traitement à base de chaleur à humidité relative régulée, les objets sont très lentement chauffés pour atteindre la température de dénaturation des protéines. Cette température est ensuite maintenue pendant un certain temps. À la fin, la température estprogressivement redescendue. L’humidité relative est adaptée tout au long du processus pour rester stable à 50% et qu’aucun échange d’eau ne puisse avoir lieu entre l’objet et l’air ambiant. Un ordinateur intégré calcule les valeurs sur base du diagramme de Keylwerth. Ainsi la différence de température entre le noyau et la surface de l’objet ne dépasse jamais une valeur prédéfinie qui oscille autour des 3 °C. Ceci évite tout changement dimensionnel et toute tension dans l’objet. Les oeuvres peintes, dorées, ou encadrées sont en parfaite sécurité.

Écologique

Alors comment imaginer un tel traitement par machine? Il s’agit en fait d’un « simple » conteneur à bateau récupéré dans lequel est installé toute une machinerie complexe d’humidification et de déshumidification contrôlée par ordinateur. Une double paroi en tôle tôle inox perforée permet la diffusion de l’air stabilisé sur toute la surface interne afin d’avoir un climat aussi homogène que possible.

Un cycle normal dure environ 17 heures, ce qui est assez court comparé aux trois semaines d’une anoxie. De faible consommation énergétique et en eau la technique a une empreinte carbone très réduite. De plus, elle est à 100% sans produits chimiques. Comme l’air est constamment nettoyé par des filtres au charbon actif à particules aériennes à haute efficacité, piégeant d’éventuels anciens composants biocides rendus volatils même à faible température, le traitement contribue de surcroît à la dépollution des oeuvres.

Le conteneur peut être utilisé comme salle de quarantaine entre deux traitements, accueillant d’office les objets suspicieux jusqu’au prochain cycle. Le faible coût et la facilité d’utilisation permettent de plus de traiter tous les consommables afin d’éviter d’importer des nuisibles. Dernier avantage de notre machine qui n’est pas des moindres: par nature, elle est déplaçable et pourra nous suivre lors d’une délocalisation de notre dépôt.

Texte: Muriel Prieur / Images: Eric Chenal

Source: MuseoMag N° I - 2025